Histoire du premier Maire : un curé révolutionnaire, de quoi surprendre un bon nombre d’entre vous.
Rappel du contexte historique ayant conduit à l’élection du 1er Maire
Le 12 novembre 1789, l’Assemblée Nationale décréta, en principe, qu’il y aurait une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne.
La loi du 14 décembre 1789 détermina le mode d’élection des officiers et membres des municipalités. Tous les citoyens actifs (payant un impôt égal à 3 jours de travail) et formant l’assemblée communale devaient prendre part au vote. Pour être élu, il fallait payer un impôt égal à 10 jours de travail.
A Montaulin, l’assemblée communale fut annoncée 8 jours à l’avance et, le 17 février 1790, les habitants convoqués au son de la cloche, se rendirent dans l’église qu’ils avaient choisie pour maison commune. 46 citoyens actifs avaient droit de participer à l’élection. Parmi eux, il y avait 9 laboureurs, 20 manouvriers, 1 charron(1), 1 maréchal, 2 maçons, 1 charpentier, 1 tailleur, 1 tisserand, 1 boucher, 1 cabaretier, 1 cossonnier(2). Les professions libérales étaient représentées par Pierre-Nicolas Houët, curé ; Claude Fleuriot recteur d’école et Jacques Rozé, chirurgien.
L’assemblée procéda, en premier lieu, à l’élection du président et des scrutateurs.
Le dépouillement du scrutin fut fait par les 3 membres les plus âgés : René Rozé, maçon, Léger Autran et Toussaint Jacquinot, laboureurs.
L’assemblée nomma ensuite les 3 scrutateurs pour les votes qui allaient suivre. Le choix tomba sur Edme Rozé, maçon, Etienne Renou, laboureur et Pierre Carré, charron, qui firent le serment de s’acquitter fidèlement de leurs fonctions.
Et, tous les membres de l’assemblée communale ayant prêté serment à leur tour, on procéda à l’élection du Maire, des 2 officiers municipaux qui devaient lui servir d’adjoints, du procureur de la Commune qui n’avait pas voix délibérative au conseil mais qui était chargé de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la communauté ; enfin de 6 notables ou conseillers de la Commune, au scrutin de liste.
Pierre-Nicolas Houët, premier Maire de MONTAULIN
Pierre-Nicolas Houët naît le 23 juillet 1759 à Riceys-Bas. Fils du légitime mariage du sieur Pierre Edme Houët, marchand et de demoiselle Marie Petit. Il est baptisé le jour-même. Son parrain est Pierre Nicolas Texier ; sa marraine, Madelaine Nicole Petit.
Vicaire de Ravières (Yonne), il s’installe dans la cure de Montaulin le 6 février 1787.
Lors de l’élection du 17 février 1790, il obtient 26 suffrages sur 40 électeurs et il est immé- diatement proclamé Maire.
Il achète des biens nationaux.
Le 23 janvier 1791, à l’issue de la messe paroissiale, il prête serment à haute et intelligible voix, tel qu’il est exigé par le décret des 12 et 13 juillet 1790 concernant la constitution civile du clergé :
« Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m’est confiée, d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée Nationale, sanctionnée et acceptée par le Roi ».
Ainsi, la paroisse de Montaulin se trouve soustraite à l’autorité légitime du Pape et de l’Evêque, elle tombe dans le schisme(3) constitutionnel.
Le 15 mai 1791, Sibille, évêque intrus (élu par le peuple conformément à la Constitution, non investi de l’institution canonique par le Pape) le charge du binage(4) de Daudes. Pierre-Nicolas Houët n’est pas réélu Maire au scrutin du 27 novembre 1791.
Cette année 1792 sera à jamais célèbre dans les annales de l’histoire de France. L’empereur, ennemi secret des Français, ayant profité des troubles que les malintentionnés excitaient sourdement dans le sein de la France pour nuire au progrès de la Constitution nouvelle, et donnant un asile aux émigrés ennemis de la patrie dans ses Etats, malgré différentes injonctions à lui faites pour les chasser, a forcé le roi des Français à lui déclarer la guerre. A cette nouvelle on a vu notre jeunesse se disputer de patriotisme. Toutes nos routes se sont, en un instant et à la première nouvelle de la patrie en danger, couvertes de milliers de soldats patriotes qui brûlaient du noble désir de verser leur sang pour la patrie et la constitution. Mais, tandis que le gros de la nation donnait un spectacle si intéressant, des traîtres chargés par état de conduire ces braves contre l’ennemi nous trahissaient et vendaient nos frontières. Mais le Dieu puissant qui veille sur le sort des empires a découvert la trahison ; et l’infâme Lafayette, qui, s’il eût été plus fidèle, fût devenu l’idole de la nation, n’a pu éviter la mort la plus honteuse que par une prompte fuite chez l’ennemi. Le roi lui-même a mis dans ce même temps le comble à sa noirceur en ordonnant le massacre de la garde nationale qui veillait à sa sûreté. Aussi a-t-il été détrôné de la République française.
A la fin de l’année 1792, il quitte Montaulin, et part habiter Troyes (Simon Terrier qui exerçait déjà en 1778 à Rouilly-Saint-Loup devient, à sa place, curé de Montaulin et bineur de Daudes).
Le 3 frimaire de l’an II de la République (23 novembre 1793), en vertu du mandat d’arrêt du Commissaire civil national, il est arrêté par les gendarmes nationaux et écroué en la maison d’arrêt de Troyes. (A.D. AUBE, Ly 245, Registre d’écrou des condamnés)
Par courrier en date du 5 fructidor de l’an II (22 août 1794) aux citoyens membres du Conseil Général de la Commune de Troyes, alors qu’il est incarcéré à la maison d’arrêt de Troyes depuis 9 mois, Pierre-Nicolas Houët qui souffre selon ses dires « d’une enflure prodigieuse dans la jambe qui lui en ôte presque l’usage » demande la permission d’aller prendre des bains chauds conseillés par le citoyen Huot, chirurgien, officier de santé à la maison d’arrêt, au lieu destiné à cet effet. Il sollicite donc l’indulgence de ses geôliers compte tenu qu’il est détenu pour cause d’incivisme et que le représentant du peuple ne l’a pas « élargi » car son tableau(5) s’est trouvé égaré. (A.D. AUBE, L 1616, Ecclésiastiques : suspects, détenus, condamnés)
Le 21 fructidor de l’an II (25 août 1794), Maure, représentant du peuple français sur les détenus à Troyes, décide au nom de la République française, de le remettre sur le champ en liberté compte tenu qu’il a été détenu pour des causes étrangères à la révolution dont il est le partisan zélé ayant offert d’aller lui-même combattre « les tyrans » et ayant fait beaucoup de dons pour subvenir aux besoins des défenseurs de la patrie. (A.D. AUBE, L 350, Liste des détenus)
Le 15 nivôse de l’an III (04 janvier 1795), il décède à 3 heures de l’après-midi à Troyes, rue Notre Dame, âgé de 35 ans ½. Sur la déclaration faite par devant Pierre Vaillot, Officier public de Troyes par Nicolas Houët, négociant, demeurant aux Riceys et Pierre Haillot, aubergiste demeurant à Troyes, le premier frère et le second ami du défunt.
Liste des différents Maires de Montaulin de la Révolution à nos jours
Pierre-Nicolas Houët curé Maire de Montaulin 17/02/1790 - 27/11/1791
Toussaint Fleuriot cultivateur Maire de Montaulin 27/11/1791 - 1795
Jean Ganne Vallot Maire de Daudes 1791 - 1793
Pierre Ganne Maire de Daudes 1793 - 1795
1795 : La commune de Daudes est réunie à la celle de Montaulin
Jacques-François Rozé 1795 - 20 pluviôse an VIII
Jean Bourguignat 20 pluviôse an VIII - 15/01/1808
Jacques Paillot de Montabert 16/01/1808 - démission janvier 1813
Pierre Camusat 31/01/1813 - 14/05/1815
Pierre Bourguignat 14/05/1815 - 1816
Pierre Camusat 1816 - démission 04/09/1830
Alexis Nicolas Lépine 04/09/1830 - 10/11/1831
Jean-Baptiste Régley 10/11/1831 - décès 13/08/1844
Nicolas Gauthier Adjoint, fait fonction de Maire jusqu’au 16/07/1846
Pierre Bourguignat-Ganne 16/07/1846 - 09/08/1860
Félix Adnot 09/08/1860 - décès 30/12/1869
Jean-Baptiste Goussin Adjoint, fait fonction de Maire jusqu’au 02/10/1870
Arsène Rebours 1er conseiller municipal, fait fonction de Maire jusqu’au 14/05/1871
Arsène Rebours 14/05/1871 - 1872
Martin Carré 1872 - 08/10/1876
Mainfroy Brunet 08/10/1876 - 21/01/1878
Félix Nicolas 21/01/1878 - 09/03/1886
Anatole Geoffroy 09/03/1886 - 17/05/1896
Frédéric Derrey 17/05/1896 - 17/05/1908
Prosper Fourny 17/05/1908 - décès 12/03/1909
Emile Camusat 18/04/1909 - 17/05/1925
Jules Guichard 17/05/1925 - 17/05/1929
Lucien Gauthier 17/05/1929 - 25/08/1932
Jules Guichard 25/08/1932 - décès 28/10/1935
René Bourguignat 18/12/1935 - 16/12/1955
Robert Goulley 16/12/1955 - démission 13/03/1963
Maurice Richard 19/05/1963 - 20/03/1983
Jean Danjin 20/03/1983 - 25/06/1995
Georges Di Guiseppe 25/06/1995 - 03/2008
Philippe Schmitt 03/2008 - 03/07/2020
Rémy Marty 03/07/2020 - ...
Glossaire :
- Charron : celui qui fabrique et qui répare des chariots, charrettes ainsi que les roues de ces véhicules.
- Cossonnier : homme qui passe dans les villages pour ramasser les œufs frais ainsi que d’autres produits de la ferme et ensuite les revendre.
- Schisme : séparation des fidèles d’une religion qui reconnaissent des autorités différentes.
- Binage : (liturgie) célébration de 2 ou plusieurs messes le même jour à 2 endroits différents.
- Tableau : liste détaillée des détenus comportant les renseignements suivants : état-civil, situation de famille, adresse, fonction avant et après la révolution, relations (motifs d’incarcération), principaux traits de caractère.
- Ecuyer : titre de noblesse.